Amusons-nous un peu [libre]

Le soleil était haut dans le royaume de France, il faisait un temps superbe en ce début de printemps, si l'on tendait l'oreille vers l'Allée Royale des jardins de Versailles, l'on pouvait entendre quantités de rires, l'on s'amusait en ce lieu assurément. Qui était donc le responsable de tant de chahut ? Monsieur bien sûr. Le frère du Roi était d'humeur guillerette en ce moment et sa joie était contagieuse. Pourquoi était-il si heureux ? Il ne saurait le dire lui-même, après tout on a pas besoin d'une raison particulière pour être heureux, n'est-ce pas ? Le prince avait organisé une partie de colin maillard avec ses mignons, voilà pourquoi tous ces jeunes gens étaient hilares. Le tour du prince arriva donc et l'on mit le bandeau sur les yeux de Monsieur, on le fit tourner trois fois sur lui-même pour le désorienté un peu et ce fut parti. Monsieur qui se vantait d'être très physionomiste et qui disait souvent qu'il reconnaîtrait les gens rien qu'en touchant leur visage dû se rendre à l'évidence que ce n'était pas si aisé. Il réussit tout de même à reconnaître deux de ses mignons. Ensuite, il s'approcha d'une personne et laissa courir ses mains sur le visage de "l'inconnu". Il fronça les sourcils, non, celui-là ne faisait pas parti de sa Cour. Il ne se rappelait pas avoir touché ce visage au cours de ses folles nuits d'amour avec un de ses mignons, donc ce n'en était pas un. Il sourit et s'adressa à ses mignons.

- Ah messieurs, il semble que nous ayons un invité dans notre jeu.

Il continua de passer ses mains sur le visage de la personne en face de lui, se demandant qui cela pouvait-il être. Les mignons près de lui ne faisaient plus un bruit, ne disaient plus un mot. Mais qui donc était cette personne que Monsieur cherchait à reconnaître.

Nombre de messages : 20 Age : 29 Date d'inscription : 18/03/2010

Louis était bien promeneur ses temps là - promeneur parce que baladeur aurait put être pris bien autrement. Ici, le terme est simplement utilisé car, le temps étant clément, le monarque passait une partie de son précieux temps quotidien dans les jardins, à se promener, parfois seul mais souvent accompagné de quelques courtisans, dans les magnifiques jardins. Cette fois ci, il était bien entouré. En effet, quelques unes des plus belles créatures vivant au château avaient choisis de l’accompagner. Deux, les plus belles et les plus chanceuses, avaient chacune une main posée sur les bras du Roy. Ainsi, il semblait conquérant même dans ses propres terres et les nobles avaient peine à cacher leur désir pour les beaux êtres qu’il promenait.

D’un pas tranquille, il avançait, conversant avec les belles. Puis, il crut entendre des rires, autres que les amoureux gloussements des courtisanes. Dirigeant alors le regard vers la source du son, il put voir son frère, jouant comme un enfant entre ses mignons. Bien évidemment exaspéré, le regard de Louis se glaça et il avança d’un pas bien plus décidé, ayant lâchés les deux demoiselles, vers la petite compagnie, s’arrêtant pile devant son frère. Ce dernier, malin comme il l’était, vint poser ses mains sur son visage. A nouveau, Louis du contenir sa colère - ou du moins son énervement - et ne bougea pas d’un poil.

Mais malgré toute cette colère retenue, ajoutée de la déception d’une parfait après midi ruinée, le Roy ne put que laisser le coin de sa lèvre s’étirer en un très léger sourire devant l’incompréhension de son frère. Fragile comme le Prince l’était, le spectacle de son choc en voyant qui était le visage qu’il explorait de ses mains peu propres un peu plutôt, serait plus que divertissant. Alors il se laissa faire, joignant les mains derrière le dos et attendant que Monsieur retire son bandeau ou qu’un mignon trop nerveux se décide à le faire. Patient, le Roy pouvait l’être - seulement si il le voulait bien sur. Cette après midi ne serait peut être pas totalement gâchée.

Philippe était toujours dans l'exploration de ce visage qui, même si il était certain de ne l'avoir jamais "caressé" de la sorte ne lui était pas totalement inconnu. Mais bon sang, qui cela pouvait-il être ? Une chose était certaine, c'était un visage masculin, assez doux. Ce qui étonnait aussi le prince, c'est que l'on pouvait entendre une mouche voler. Voilà qui était étrange, tout à l'heure ses mignons riaient à gorge déployé, mais dès que Philippe avait posé ses mains sur le visage de "l'inconnu", tout le monde s'était tut. Le prince naïf pensa immédiatement que c'était pour qu'il puisse mieux se concentrer, aussi c'est ce qu'il fit.

Cependant, un de ses mignons qui avait peur pour Monsieur, étant donné que lui voyait très bien qui était la personne que le Prince touchait, osa s'approcher du prince et tenta de le faire cesser cette inspection.

- Pardonnez-moi Votre Altesse, mais ne pensez vous pas que vous pourriez reconnaître la personne en face de vous ? Cela fait un moment que vous avez les mains sur son visage, et d'ordinaire ce temps vous aurait amplement suffit afin de dévoiler l'identité de la personne que vous touchez.

Philippe ne répondit rien, cependant, quelque chose dans les paroles de son mignon commençait à lui faire prendre conscience de la personne qu'il avait en face de lui. Il ôta doucement ses mains du visage et les remit le long de son corps.

- En effet Armand, cela n'a que trop duré.

Il y a une chose que vous devez savoir, Philippe a une règle d'or dans sa "cour", ses mignons ne doivent pas le vouvoyer, étant donné les relations assez....intimes qu'ils ont ensemble, ces derniers doivent le tutoyer, toutefois, il y a une exception à cette règle, il n'y a que lorsqu'ils sont en présence d'une seule personne qu'ils vouvoient Monsieur.....et cette personne c'est.....Oh non, Philippe était mort.

Doucement il enleva le bandeau qui recouvrait ses yeux, il avait pâli soudainement, et lorsque ses yeux se posèrent sur la personne en face de lui, il dégluti discrètement, il était parcouru de tremblements imperceptibles. Le regard que posait son frère sur lui à ce moment là lui faisait peur.

- Sire je......pardonnez-moi Majesté....je ne savais pas que c'était vous.

Que pouvait-il dire d'autre ? Il espérait que son frère ne lui en voudrait pas trop. Oui Philippe était quelqu'un de fragile, sa plus grande frayeur était de décevoir son frère. Ce frère à qui il devait la vie tout simplement, ce frère qui l'avait protégé durant la Fronde, il n'avait pas oublié toutes ces années noires, et c'est pour cela qu'il avait toujours nourri un profond respect et une profonde affection pour son frère, même si cette dernière ne semblait pas toujours partagé.

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Bon d’accord, il devait bien l’avouer, le Roy s’amusait. Plus peut être qu’un peu plus tôt, seul avec les courtisanes. Autant l’intervention du mignon que la lente compréhension suivie de la soudaine découverte, toutes trois furent tout à fait agréables. Mais, excellent acteur comme Louis pouvait l’être, il ne laissa pas passer la moindre lueur d’amusement. Il ne voulait pas qu’on croit que ce genre de comportement laxiste comme celui de Philippe devienne général sous prétexte que le Roy est capable d’en rire ! Il attendit donc froidement que le serviteur - car aux yeux de Louis, les mignons n’étaient que des serviteurs - intervienne et que Monsieur enlève le bandeau.

Là, il put le voir pâlir sous l’épaisse couche de poudre qui recouvrait son visage. Sembler était bien mais la quantité de maquillage de son frère appliquait exaspérait le Roy. Ces lèvres souvent rouges comme celles des dames, ses visages bien trop poudrés, ses fards colorés,… Tant de choses qui ne faisaient que rappeler à Louis, le vice de son frère.

Vice ? Oui vice était bien le mot utilisé. Mais l’affection réprimée à l’égard de son frère ne lui permettait que de voir son désir pour les hommes que telle une maladie. Il s’obligeait à voir et à imaginer que la proximité du Prince et de sa cour comme un besoin existentiel physique - ce que c’était probablement - et que sans, il mourrait dans d’affreuses souffrances. Voilà ce que se disait chaque jour le monarque pour pouvoir rester partiellement en bons termes avec son frère. Mais la douleur qu’il le ressentait à chaque fois que son frère faisait un écart avait à chaque fois vite faire de l’exaspérer.

Là, aucun n’écart n’avait (encore) été commis alors Louis restait calme, maître de lui. C’est pour cela que quand son frère le découvrit, c’était un regard joué qu’il posa sur lui. Il était dur mais aussi moqueur et sous entendait visiblement : voilà ce qu’on obtient quand joue à des jeux stupides en ces lieux ! Mais au fond, la seule chose qui l’énervait était la frayeur trop visible dans ses yeux et pire que tout… son balbutiement. D’une voix ferme et claire, le Roy parla enfin.

- Si vos paroles me sont destinées Monsieur, veuillez les exprimer clairement, sans interruptions ni bégaiements. Ne vous attendez point à ce que je fasse quelqu’effort pour vous comprendre. De plus, le frère du Roy se doit de parler de façon claire.

Cela exprimé, la dureté de son regard disparut comme elle pouvait seulement le faire devant son frère, pour être remplacé d’une légère tendresse fraternelle. Pas de sourire bien sur ! Mais juste une tendresse que seul Monsieur pouvait voir et ressentir. Quelques chose entre eux, comme avant. Oui. Comme avant. Avec un fort léger ton d’amusement, il lança alors :

- Je puis dire en plus que je suis fort déçu que vous ne m’ayez point reconnu. Cela fait si longtemps que nous nous connaissons et vous n’êtes point capable de reconnaître mon visage. Devrai-je vous en vouloir ?

Non mais franchement, comment voulez-vous rester calme et parler distinctement lorsqu'un regard comme celui qu'avait son aîné actuellement vous transperçait tel une flèche ? C'était impossible, toutefois Philippe savait que son frère avait raison, en tant que frère du Roi, il devait avoir une élocution parfaite. Déjà qu'il le décevait de par son attitude avec ses mignons, il ne valait mieux pas en rajouter.

En même temps, en ce qui concernait le "vice Italien", le fait que Philippe soit atteint de cela ne pouvait pas lui être totalement imputé. Louis devrait au contraire être heureux, l'entreprise effectué par Mazarin sur le prince avait réussi. Philippe avait été élevé dans l'idée qu'avant d'être le frère du Roi, il était avant tout son premier et son plus loyal sujet, et qu'en tant que tel il ne devait absolument pas lui faire de l'ombre par quelque coup d'éclat. Jamais il ne serait venu à l'idée de Philippe de faire comme son oncle Gaston d'Orléans et tenter de renverser le Roi. Non, loin de lui cette idée. D'abord parce qu'il ne se sentait absolument pas capable d'assumer ce rôle comme le faisait son frère, et ensuite, il n'y avait qu'un Roi, et ce Roi c'était Louis, Dieu l'avait voulu ainsi, sinon il n'aurait pas fait de Louis l'aîné. Mais, même si Monsieur savait que son frère n'aimait pas son penchant pour les hommes ou ses excentricités, il les tolérait, et c'était déjà beaucoup. En effet, si il n'était pas le frère du Roi, il y a longtemps qu'il aurait eu des problèmes à cause de son homosexualité, il ne serait tout simplement plus de ce monde. Mais le Roi l'autorisait..alors il était protégé. Il inclina doucement la tête devant la remontrance de son frère.

- Vous avez raison Majesté, je vous prie de bien vouloir me pardonner.

Lorsqu'il releva le regard sur son frère, Philippe lut dans son regard quelque chose qu'il croyait ne jamais revoir, il y voyait de la tendresse. Oh bien sûr ce n'était pas très explicite, et seul l'oeil entraîné de Philippe savait reconnaître cette lueur dans le regard de son frère. Il esquissa un sourire.

- Et bien mon Roi, pour ma défense je dirais que je ne m'attendais pas à avoir votre visage sous mes mains, aussi ai-je été agréablement surpris et un peu perturbé je dois l'avouer.

Philippe savait que lorsqu'il s'adressait à son frère, il devait faire montre de prudence et avoir en tête certaines règles comme par exemple Louis n'aimait pas qu'on lui dissimule quelque chose donc si l'on était franc avec lui on avait plus de chance de trouver grâce à ses yeux en cas de problème, mais qu'il y avait aussi des limites à ne pas dépasser, le Roi n'aimait pas l'insolence. En bref, chaque mot qui sortait de la bouche de Philippe en présence de son aîné était pensé et jamais spontané, mais le Prince était toujours sincère, dans ce sens qu'il ne flattait jamais excessivement son frère comme le font les autres courtisans, ces manières rendaient Philippe un peu malade, tout les gens de la Cour attendaient de Louis des faveurs, un titre, des terres, et bien d'autre chose encore. Philippe était un des seuls qui pouvait se permettre d'être lui-même avec son aîné puisqu'il n'en attendait rien.

Philippe ne se souvenait que trop bien du jour où, son frère étant malade, ces hypocrites courtisans étaient venus chez lui pour le proclamer nouveau Roi. Le prince était entré dans une colère folle disant qu'il n'y avait qu'un seul Roi et que pour l'heure il se battait contre la maladie. Louis avait guéri bien sûr, et cet épisode lui fut rapporté de manière un peu modifié. Philippe en avait un peu souffert que son frère ne le croit pas mais, il était passé dessus, comme sur toutes les humiliations qu'il avait subit. Après tout, le Roi n'avait qu'un seul frère, et peu importe ce que les gens pouvaient dire ou faire contre lui, personne ne pourrait prendre sa place.

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Voilà qui était bien mieux. Monsieur savait donc parler clairement ! C’était tout un soulagement déjà. Mais devant cette demande pardon, Louis ne resta pas impassible comme toujours. Il pencha presque imperceptible sa tête sur le côté et la hocha à nouveau très légèrement. Dans le « langage des signes » du Roi Soleil, le hochement de tête voulait dire que la personne était pardonnée. Tout comme deux tapements dans les mains suffisaient pour faire comprendre à tout le monde qu’il avait trouvé une performance absolument éblouissante.

Monsieur pouvait donc se vanter - façon de parler bien sur - d’être pardonné pour son comportement désinvolte d’un peu plus tôt. Néanmoins sa satisfaction eut une nouvelle légère déception. Car, comme le monarque l’avait souhaité, le Prince avait bien décelé la tendresse de son regard mais, bien moins discret, lui avait même sourit. Détruisant ce geste que Louis avait voulu complice.

C’était probablement cela qui manquait le plus à Louis du temps de leur enfance, c’était cette immense complicité qui les liait à cette époque. L’ainé était protecteur avec son frère mais ils étaient tous deux de vrais êtres à part entière, obéissants que quand cela les arrangeait. Malgré la différence d’âge, d’éducation, de façon d’être. Le futur Roy avait l’impression de ne compter pour son frère que pour ce qu’il était vraiment, sans titre ni couronne. Cela lui semblait réellement magique alors que tous les autres n’étaient auprès de lui que par envie, convoitise, jalousie. Déjà enfant, cela le fatiguait mais il savait qu’il pouvait toujours se reposer sur son petit frère, tout comme se dernier pouvait toujours se reposer sur lui. Et cela était, dans un sens toujours vrai. Ils le pouvaient, mais ne le faisaient pas. La différence, déjà grande avant, était devenue… insurmontable à présent.

La suite de la conversation ne s’était pas déroulée comme Louis l’aurait souhaité, peu de choses se déroulaient bien quand son frère était là de toute façon. Ne savait il donc pas s’exprimer ? « Agréablement surpris et un peu perturbé » Ne se rendait il pas compte du nombre de façon dont cela pouvait être compris ? Était il vraiment si naïf. Louis détourna le regarde en reculant de quelques pas avant de se retourner. Sans les regarder, il dit :

- Mesdemoiselles, restez ici je vous prie et tenez compagnie à ses messieurs. Monsieur mon Frère, suivez moi.

L’exaspération était presque audible dans son ton, ce qui voulait dire que c’était important et surtout irrévocable de lui obéir vite. Il commença à marcher, s’éloignant du groupe, ne s’attendant qu’à être suivi.

Il savait très bien comment cela se passerait derrière son dos. Il avait fait signe du regard à une de ses courtisanes de s’occuper si on pouvait appeler cela ainsi du dénommé Armand qui semblait spécialement inquiet de la sécurité du Prince. Et en effet, auprès de son grand frère, Monsieur n’était pas obligatoirement en sécurité. La courtisane qui alla prendre son bras était jeune et belle, 18 ans peut être, la peau naturellement terriblement pâle, les yeux plus bleus que les mères indiennes, les cheveux plus sombres que le charbon. Tout simplement une des nombreuses femmes envoûtantes dont Louis s’entourait. De plus les rondeur de sa gorge et de ses hanches ajoutaient à son charme qu’elle déploya devant le bel Armand a qui elle prit le foulard en souriant.

- A vous à présent !

Derrière le dos de Louis, elle banda les yeux d’Armand et l’attira à l’écart. Les courtisanes se joignirent aux jeux des mignons et les rires recommencèrent. Seul le Roy ne riait pas. Il marchait.

Certes Philippe avait fort bien traduit la gestuelle de son frère et savait qu'il avait été pardonné, mais alors qu'il allait dire autre chose, quelque chose se passa dans le regard de Louis. Oh cela ne dura guère longtemps, mais Philippe vit disparaître cette lueur qui était jusqu'alors présente dans le regard du monarque. Allons bon, il l'avait encore déçu, qu'avait-il donc pu faire pour s'attirer les foudres royales ? Il repassa son comportement dans sa tête et.....oh non ça y est, il avait compris. Le sourire qu'il avait fait, ainsi que les paroles qu'il avait eu, tout cela avait "brisé" cet instant. Une étrange intuition disait à Philippe qu'il allait bientôt se faire sermonner. Un "Monsieur mon Frère, suivez moi." provenant de Louis suffit à confirmer son intuition. Il y avait au moins un positif...si on peut dire, Louis l'entraînait au loin pour lui faire ses remontrances alors qu'il aurait très bien pu les faire devant les courtisans. Il inclina la tête pour signifier à Louis qu'il le suivait. Dans ce genre de cas, il n'avait pas besoin de parler et il le savait.

Tandis que Louis s'éloignait, Philippe fit quelques pas derrière lui et se retourna pour voir Armand, un bandeau sur les yeux, commencer à jouer avec les autres. Il poursuivit son chemin, restant sourd aux éclats de rire qu'il entendait. A l'instar de son frère, lui non plus ne riait pas, il n'en avait pas envie. Monsieur suivit son royal aîné jusqu'à ce que les deux frères soient dissimulés aux yeux des gens par des bosquets. Philippe, d'ordinaire si insouciant, rieur et jovial arborait à présent un visage dénué de toute expression, enfin disons plutôt qu'il avait un air cérémonieux. Il regarda Louis, mais ce dernier ne semblait pas vouloir prendre la parole. Peut-être voulait-il que Philippe devine lui-même pourquoi il voulait le voir en privé.

- Je suis désolé Majesté de vous avoir déçu

Il s'empêcha de rajouter "à nouveau", mais il n'en pensait pas moins.

- J'aurais sans doute dû mieux formuler mes propos, je ne pensais pas qu'ils pouvaient être mal interprétés.

Souvent Philippe regrettait la période de leur enfance. C'était si bien à cette époque, ils étaient si insouciants. Un incident pareil n'aurait pas entraîné une telle réaction de la part de Louis si ils avaient été des enfants, mais voilà, Louis était le Roi avant d'être un homme. Et souvent, Philippe avait l'étrange impression de ne plus connaître l'homme qu'il avait en face de lui, il lui semblait qu'on lui avait volé son frère, et dans ces moments là, son frère lui manquait, même si il se trouvait à trois pas de lui. Un moment comme maintenant. Il savait bien qu'il avait devant lui le Roi, et non le frère. Alors il affichait un air sérieux, celui d'un sujet devant son Roi

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Marchant et s’éloignant de la cohue, le Roy réfléchit. Naturellement, il aurait baissé la tête pour perdre son regard sur les pierres du sol mais il était le Roi Soleil et ne pouvait se le permettre. Ainsi, il garda la tête haute, le dos d’une droiture extrême et chaque regard gardait une supériorité prononcée. Comme il aurait aimé parfois simplement pouvoir rire, tousser, baisser et lever la tête comme il le souhaitait ! On pouvait bien penser qu’un Roy pouvait faire ce qu’il voulait. Mais ce n’était pas le cas. Au contraire, il devait suivre plus de règles qu’une grande partie de son peuple. En ce moment, ce qui lui manquait, c’était de ne pouvoir serrer simplement son frère dans ses bras et lui dire que ce n’était pas grave, qu’il savait qu’il était différent et que ça avait beau le dégoûter, il l’aimait toujours ! Mais il ne pouvait pas…

Tout comme Louis pouvait en vouloir à son frère pour un rien, il savait aussi apprécier les efforts que Philippe faisait de temps en temps. Le visage à l’expression cérémoniale en faisait partie et arracha un regard satisfait au monarque. Le Prince avait bien compris ce que le Roy lui reprochait mais à nouveau, sa formulation le dérangea. Il en profita pour l’enfoncer. Eh bien oui, si il n’arrivait pas à dire les choses sans qu’il ne puisse y avoir de répliques, il n’allait plus tenir très longtemps dans cette Cour.

- « Qu'ils pouvaient être mal interprétés » est superflu Philippe.

Cette phrase était tombée comme une enclume. Elle sembla rester suspendue dans l’air pendant quelques instants, le Roy laissant le poids de ses paroles peser sur les épaules de son frère. Ensuite, il continua :

- Mon Frère, à présent je ne vous parle plus comme votre Roy mais bien votre ainé. Mère ne veille plus sur vous Philippe. Elle n’est plus présente pour couvrir vos arrières et vos erreurs. Et maintenant que je suis Roy, je ne peux non plus vous éduquer sans cesse. Apprenez à répondre clairement, même devant une situation aussi imprévue que celle de tout à l’heure. Apprenez à ne pas laisser vos interlocuteurs user de vos paroles pour les prendre autrement comme je l’ai fait il y a un instant. Je connais vos tendances mieux que quiconque et en souffre probablement également le plus mais je vous en prie, ne laissez pas cela vous fragiliser.

Une lueur tremblait dans les yeux du grand Roi Soleil : de l’amour. Oui il aimait son frère et maintenant qu’il se trouvait seul avec lui, il se moquait bien de le montrer. C’était pour ça qu’il l’avait pris à l’écart. Pas pour ne pas le gronder en public - ça il ne s’en privait pas - mais pour montrer son inquiétude et son côté défenseur envers son petit frère. Il reprit un ton solennel et la lueur disparut.

- Etudiez auprès de gens plus sages que vous dans ce domaine, faites ce que vous souhaitez mais je ne veux plus avoir à discuter ce point avec vous.

Il le regarda dans les yeux et sembla pour la première fois depuis longtemps vraiment le regarder. Pour qu’il était. Son Frère.

Pourquoi est-ce qu'à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, Philippe avait l'impression de dire des idioties ? Sans doute parce que son frère était si pointilleux en tout points qu'il était intransigeant avec ses proches. Monsieur n'avait pas le droit de faire le moindre faux-pas sans se le voir reproché par la suite, c'en était fatiguant. On avait pas enseigné tant de rigueur à Philippe lorsqu'il était enfant. Non, les deux frères n'avaient pas été éduqués ensemble et pas avec la même rigueur tout simplement parce que Philippe n'était pas destiné à régner mais Louis si, au contraire on avait avorté toute tentative de soulèvement de la part de Monsieur en en faisant quelqu'un de léger et insouciant. Ce n'est que depuis que Louis a les pleins pouvoir que Monsieur doit faire preuve de plus de sérieux et de rigueur. Il ne savait pas trop comment répondre à Louis, ayant encore peur de dire une bêtise. Il se contenta donc d'un vague.

- Sans aucun doute.

Prononcé d'une voix claire et distincte. Philippe avait soudain l'impression qu'une chape de plomb lui était tombé sur les épaules. C'est sans doute ce qu'on appelle le poids des mots. Cependant, lorsque Louis décida de briser le silence pesant qui s'était installé, Philippe remarqua un changement dans le regard du Roi, il pouvait y lire de....de l'amour....oui, c'était cela. Assurément le frère allait prendre la place du Roi pendant un court instant et Monsieur savait que dans ces moments là, même si Louis le sermonnait, Philippe avait le droit de l'appeler par son prénom, c'était l'un des seuls moments où il le faisait d'ailleurs.

- Je sais Louis, je tentes de faire des efforts, mais comprenez que je ne change pas d'un seul coup, je vous promets de travailler encore plus afin de vous donner satisfaction, mais cela ne peut se faire si rapidement, je ne peux changer une douzaine d'années d'éducation en seulement deux ou trois ans cependant je puis vous assurer que je fais de mon mieux pour y arriver le plus vite possible.

Philippe ne détourna pas le regard malgré que Louis était redevenu Louis XIV le Roi soleil. Il s'inclina respectueusement.

- Je vous le promets mon Roi

Ces simples mots signifiaient à Louis que Philippe savait déjà adapter son phrasé à la situation.

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