Une petite pause

* Il était tard dans l'après-midi lorsqu'Athénaïs pénétra dans le salon de Diane... qui était désert! La Reine avait souhaité rester seule soudainement... ces temps-ci, elle avait un comportement étrange et souhaitait s'isoler avec ses nains... Certes ses dames de compagnie l'avaient toujours trouvée un peu étrange, mais ces derniers temps ce coté était exacerbé... peut-être était-elle à nouveau enceinte? Les hypothèses allaient bon train... Quoi qu'il en soit, la marquise de Montespan en profita pour s'accorder une petite pause et alla tranquillement dans le salon de Diane afin de jouer un peu de musique pendant que les hommes étaient censément à la chasse avec le Roy et que les dames de la reine regagnaient leurs appartements. Athénaïs avait croisé quelques galants qui n'avaient pas suivi le Roy et qui trainaient dans les couloirs pour faire des courbettes aux dames et les complimenter.
Elle arriva enfin dans le salon et sourit de constater qu'il était désert. Tant miexux, elle n'avait pas spécialement envie d'entendre les mièvreries des courtisans ce jour-là. Elle s'installa face au clavecin et commença à entonner quelques notes, laissant glisser ses doigts sur le clavier. Elle n'était pas une virtuose de la musique mais savait le solfège, et surtout elle était une excellent chanteuse. Elle se mit à chantonner un air connu de l'époque tout en s'accompagnant au clavecin, ne se doutant pas un instant que quelqu'un d'important arriverait sous peu... Le son de la mélodie et de sa voix couvraient à présent tout bruit que pourraient faire des pas humain ou une porte qui s'ouvre... *

Nombre de messages : 20 Age : 29 Date d'inscription : 18/03/2010

Cette fin d’après midi serait elle comme les autres ? Chargée, abrutissante mais où à chaque instant, il devait être alerte et vivace ? De tout cœur, Louis espérait que non mais, comme cette journée avait commencé, cela semblait bien parti.

Vous vous demanderez sûrement : le Roy s’ennuie ? Qui peut bien permettre cela ? Et je vous réponds que le monarque français à beau s’ennuyer, être fatigué ou même souffrant, jamais il ne le montrera. Louis est le Soleil, un Soleil infaillible. Si jamais le mal dont il souffre devient trop grand, là oui, il le montrera mais ce n’est le cas que dans les plus extrêmes. Pour moindre, il ne montrera pas le moindre sentiment. De l’admiration pour la Galerie des Glaces ? Vous vous moquez ! Du chagrin à la mort de l’un de ses enfants ? Vous voulez rire ! De l’amour pour celle dont son cœur s’est épris ? Vous espérez ! Non. Le Roy ne peut montrer quelque sentiment, si bien sur il est vrai. Car oui, il sait feinter ce qu’il ressent, mieux que quiconque probablement. Il sait tromper, méprendre, mais à l’autorité nécessaire pour ne pas user de telles bassesses. Pas trop souvent en tous les cas.

Mais ce jour-ci semblait être promis à une aube meilleure. Un fort léger mais très franc sourire éclairait son visage. Comme dit plutôt, il n’exprimait aucun sentiment, ni satisfaction, ni amour, ni douceur, ni joie, mais plutôt un état général de ce que l’on appelle : la bonne humeur.

Souhaitant se promener quelques instants dans son superbe Palais, Louis avait décidé de laisser libre court à son instinct en congédiant sa suite. Il était fort rare de voir le Roy seul, pour des raisons de sécurité comme pour des raisons de fidélité envers lui. En effet, laisser Louis seul était un peu comme l’abandonner à l’ennui et à la réelle solitude, la pure et dure que l’on ressent si rapidement et si facilement lorsqu’on est « le seul » de quelque chose. Et Louis était bien LE SEUL Roy de France. L’unique.

Ses pas le menèrent rêveusement dans les couloirs pendant que son esprit parlait politique et que son cœur s’éloignait pour se laisser aller aux douceurs du mensonge. Par le beau temps qu’il y avait, tout le monde était dehors et le monarque put encore mieux profiter des couloirs puisqu’ils étaient déserts ! Ce calme, ce silence étaient d’un bien difficile à expliquer. Il ferma les yeux même un instant.

Néanmoins, le silence ne tarda pas à être interrompu par un son qu’il connaissait. Une musique pour être plus précis. Un clavecin qui jouait un air populaire et… une voix. Mais pas n’importe quelle voix. Ce n’était d’ailleurs pas qu’une voix. C’était une mélodie à elle seule. Une musique qui semblait ne même pas avoir besoin du clavecin. Magnifique, superbe, sublime. Sans la froideur de la professionnelle mais avec la passion de l’amoureuse de musique. Tout comme Louis l’était d’ailleurs. En suivant le son, le sentiment de calme l’entoura de plus belle et il pénétra en silence dans le salon dans lequel se trouvait la chanteuse.

De dos, il ne voyait qu’une silhouette élégante aux longs cheveux noirs, une robe rouge sombre. Il resta debout dans l’ouverture de la porte et dans le plus grand silence. Et quand elle termina, il tapa deux fois dans ses mains. C’était sa forme d’applaudissement.

* La marquise de Montespan, qui bien entendu était à mille lieues de s'imaginer que le roy se promenait seul en son château à cette heure-ci, chantait avec de plus en plus de coeur lorsque Louis le quatorzième pénétra dans le salon de Diane. Elle ne l'entendit donc pas entrouvrir la porte et en passer le seuil, concentrée dans ce qu'elle jouait, appliquée comme une petite élève sérieuse, et chantant avec passion, car oui, la chant était l'une de ses passions avec la comédie, la danse, ou la lecture.

La marquise était une grande amoureuse des Arts en général. Le morceau n'en était qu'à la moitié lorsque le Roy entra dans la pièce. il eut donc tout le loisir d'entendre Athénaïs chanter encore un couplet, un refrain et un couplet de fin répété. Elle en fit d'ailleurs durer la dernière note avec aisance comme l'aurait fait une vraie professionnelle. Le morceau à peine terminé, satisfaite de ce qu'elle avait fait, la jeune femme sourit en regardant le clavier du clavecin, étirant ses longs doigts fins et délicats.

Mais soudain, dans ce silence nouveau, deux frappement se firent entendre. Athénaïs, sans se retourner, entrouvrit grand ses yeux, reconnaissant cette manière distinguée de faire. A n'en point douter, c'était le Roy, ou alors quelqu'un qui l'immitait, mais personne de sensé n'aurait osé... Donc à coup sûr, Sa Majesté se trouvait dans la pièce. D'un mouvement vif, la marquise se leva et se retourna. Elle ne l'avait pas aperçu depuis deux secondes qu'elle s'écarta du petit banc qui faisait face au clavecin et s'inclina dans une profonde et respectueuse révérence. *

-Votre Majesté, pardonnez-moi, j'ignorais que vous étiez ici... Je ne voulais guère troubler la tranquilité de Votre Majesté...

* Sa voix se voulait pure et douce, tout comme elle l'était dans sa chanson, et sans précipitations malgré l'émotion qui était la sienne. En effet, son coeur battait à tout rompre, elle avait peur d'avoir offensé le Roy et s'étant permise d'user du clavecin de son salon pour son bon plaisir.

Athénaïs resta inclinée comme le voulait la coutume, attendant la permission du Roy avant de se relever. Elle priait intérieurement que celui-ci ne lui en veuille pas trop pour ce petit écart qu'elle avait fait... *

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Le Roy la vit se retourner avec une vivacité peu commune à la cour. La plupart des dames de la Cour avaient en effet des rondeurs trop prononcées - et trop nombreuses - pour permettre les mouvements d’une telle rapidité sans pourtant en devenir maladroits ou trop hâtifs. Non. Le pour ainsi dire décollage de la banquette et la profonde révérence n’avaient pas perdu l’élégance que les mains de la Dame possédaient lorsqu’elles couraient sur le clavier.

Le temps qu’elle était inclinée, il parcouru à nouveau sa silhouette. Ses yeux lui restaient invisibles mais il pouvait de longs cils noirs et apercevoir des lèvres d’un rouge grenat, tranchant avec la pâleur qui semblait naturelle. Un point de beauté - amplement mérité - caractérisait également ce visage encore penché. Mais le fait qu’elle soit ainsi courbée avait aussi un avantage. Je ne serai pas assez pudique pour l’omettre. En effet, le buste positionné de cette manière laissait au Roy friand de belles choses, une vue tout à fait délicieuse sur une gorge généreuse, à son goût trop serrée dans ce corset qu’il aurait eut un plaisir à délacer. Mais voilà que de pensées agréables Sire !

Il se permit d’esquisser un sourire et avança de quelques pas à peine avant de dire de sa voix profonde avec un ton qui vacillait entre majesté et puissance, il semblait presque la gronder :

- Relevez vous Madame. Et ne demandez point le pardon pour une faute qui n’a point été commise.

Sa voix passa alors dans un registre plus doux sans pour autant se laisser passez pour un tendre. On entendait néanmoins un certain… plaisir peut être, dans sa voix :

- On ne s’excuse pas en effet Madame, d’avoir une voix dont la beauté et la pureté n’ont d’égale que le reste de votre personne.

Il se dirigea vers la fenêtre, gardant le silence et regarda le vide.

- Mon esprit étant occupé, Dieu sait que votre musique à sut le soulager.

Que se passait il ? Était il vraiment en train de se confier à cette inconnue ? Pour peu il aurait dit : mon esprit soucieux et mon âme troublée ! Mais heureusement, il avait changé d’avis à tant pour ne dire que ce que tout le monde savait déjà : le Roy était occupé ! Néanmoins, le fait qu’il ai dit que cette musique le soulageait… C’était étrange.

Il sentait le regard de la Dame sur sa nuque et en eut très léger sourire. Il ferma les yeux un instant puis les rouvrit en se retournant, la regardant dans les yeux. Il attendit qu’elle se présente.

* La marquise sentit le Roy s'approcher d'un pas, puis l'entendit lui ordonner de se relever, ce qu'elle fit dans un mouvement tout aussi grâcieux que celui dans lequel elle s'était inclinée. Elle l'écouta, le compliment qu'il lui faisait la toucha droit au coeur, elle ne put s'empêcher de sourire. Un compliment venant du Roy était un cadeau magnifique pour ne pas dire extraordinaire, c'était tellement rare, tellement envié, et cela constituait un tel privilège que la marquise en rougit quelque peu.*

-Je ne puis que vous remercier très humblement, votre Majesté...

* Elle le regarda machinalement lorsqu'il se dirigea vers la fenêtre. La personne du Roy attirait le regard, c'était ainsi, inexplicable. Il était le Roy, représentant du Seigneur sur Terre, il attirait forcément l'oeil. De plus, et il fallait l'admettre, en plus de son allure altière et majestueuse, il fallait bien reconnaitre que Louis XIV était bel homme. Athénaïs le regarda donc se diriger vers la fenêtre, il lui faisait donc dos, mais elle le regardait tout de même, ne serait-ce que par politesse. Elle était à peine impressionnée, certes il était le Roy, mais après tout elle était elle-même dame d'atour de la Reine, elle avait donc l'habitude de côtoyer de famille royale, d'autant que le frère du souvent ici présent était l'un ses amis les plus proches. Bref, elle était de par sa condition, dans l'entourage proche de la famille royale. Louis d'ailleurs la connaissait bien, puisqu'elle était également proche de Louise de la Vallière, sa favorite officielle. Il trouvait d'ailleurs qu'elle était bien trop intelligente et que c'était insupportable, il avait confié cela à Monsieur son frère en lui demandant comment il faisait pour la supporter, ce à quoi Philippe a répondu qu'il aimait son esprit et que celui-ci l'amusait. Peut-être que le Roy le découvrirait bien assez tôt...

Athénaïs n'osa demander au Roy ce qu'il faisait ici, et seul car d'ordinaire le souverain était toujours accompagné, escorté et protégé... d'où la surprise de la marquise. Mais elle n'avait aucunement l'audace ni l'indiscrétion de lui demander, elle se contenta simplement de l'écouter. Ainsi donc son esprit était... occupé. Certes, elle s'en serait douté. Mais occupé par quoi? Elle tenta ainsi une approche, après tout, elle n'allait pas laisser planer ce silence qui mettait mal à l'aise.*

-Sire... si je puis me permettre, la Cour doit vous chercher... Puis-je vous demander si je dois vous rendre un quelconque service? Souhaitez-vous que je fasse venir quelqu'un? peut-être cherchiez-vous votre frère, ou encore votre épouse?

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Les paroles de la Marquise eurent pour effet d'étirer les lèvres du Roy en un sourire, léger certes, mais ô combien empli de tendresse. Les paroles de cette Dame qu'il avait pour habitude de trouver hautaines étaient maintenant presque enfantines, attirant plus de douceur de sa part que la dureté avec laquelle il devait habituellement répondre à ses remarques les mieux placées et les plus élégamment formulées. Alors qu'ils n'étaient que tous les deux, Madame de Montespan semblait bien plus... humaine et pourtant divine à la fois.

Aux questions qu'elle posa, le Roy baissa un instant les yeux sans perdre son sourire mais releva bien vite le regard pour le plonger dans celui de la superbe Dame face à lui.

- Si la Cour me cherche Madame, Elle me trouvera accompagnée et saura s'en retourner d'où Elle vient bien discrètement.

S'approchant de quelques pas, il tendit la main en inclinant presque imperceptiblement.

- Je ne cherche ni Monsieur mon frère, ni son Altesse la Reine, mais s'il y a un service que vous puissiez me rendre, ce serait celui de m'accompagner dans une promenade ?

La marquise ne put s'empêcher de remarquer le sourire du monarque... et quel sourire! Tel son emblème, il lui fit l'effet d'un rayon de soleil pénétrant la pièce et son regard en même temps que ses yeux se posèrent dans les siens. Athénaïs en rougit presque, camouflée sous la poudre qui ornait son visage. Elle ne put que sourire à son tour et hocher la tête doucement.
Le roy alors lui tendait majestueusement la main et lui demandait de l'accompagner en promenade. C'était un honneur immense et presque démesuré qui se présentait alors à la jeune femme. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, son coeur s'emballa. Faire une promenade avec lui, mais elle en mourait d'envie! et puis qui serait assez sot pour décliner une telle invitation! Mais ce n'était pas cela qui l'attirait, pas le privilège d'être vue en compagnie du Roy. Non... c'était autre chose. Une certaine envie de le connaître d'avantage, de le percer à jour en quelque sorte. Il était si énigmatique. Il suscitait la curiosité d'Athénaïs. Elle posa délicatement sa blanche main dans la sienne tout en le regardant d'un oeil brillant avant de lui répondre.

-C'est avec un immense honneur, Sire, que j'accepte de vous accompagner.

Elle avait l'impression de rêver, c'était assez incroyable qu'une telle chose lui arrive. Même si en théorie elle était proche du Roy étant une dame d'honneur de la reine son épouse, elle le côtoyait en réalité fort peu. En fait, même à proximité, le Roy restait une personne inaccessible, s'entourant de mystère, peut-être de manière non intentionnelle, ou peut-être intentionnelle justement afin de se protéger... Nul ne le savait à part lui. Mais Athénaïs était certaine d'une chose, elle lui vouait un profond respect et une sincère admiration, aussi la demande que celui-ci lui avaitt formulée l'avait-elle enchantée et honorée.

» * petite visite amicale *